La découverte des Nains par les Elfes de l'Est
Les Nains de caractère secret, prompts à la rancune et les Elfes qui n'appréciaient pas vraiment l'aspect disgracieux des Naugrim, n'étaient à la base pas vraiment faits pour s'entendre. Pourtant, il arriva que des amitiés se lièrent entre les deux peuples comme par exemple les gens de Durin avec leurs voisins, ou encore comme c'est le cas dans le récit qui suit, à un degré moindre.
Les Naugrim vinrent en Beleriand (une région juste à l'Ouest des Montagnes Bleues) par Nogrod et Belegost et les Elfes en furent stupéfaits. Ils s'étaient crus les seuls êtres vivants sur les Terres du Milieu à être doués de parole ou à travailler de leurs mains, les autres n'étant qu'oiseaux ou bêtes sauvages. Et ils ne pouvaient comprendre un seul mot du langage des Naugrim qui leur semblait lourd et disgracieux. Très peu d'Elfes arrivèrent jamais à le maîtriser. Par contre les Nains apprenaient très vite et ils préféraient même apprendre le langage des Elfes qu'enseigner le leur à une race étrangère. Rares furent les Elfes qui se rendirent à Nogrod ou à Belegost, si ce n'est Eöl (dont il sera question plus bas) de Nan Elmoth et son fils Maeglin, alors que les Nains venaient commercer à Beleriand. Ils construisirent même une grande route qui passait sous les contreforts du Mont Dolmed, suivant le cours du fleuve Ascar et franchissait le fleuve Gelion à Sarn Athrad, le Fort de Pierre où se livra plus tard une bataille. Il n'y eut jamais qu'une amitié assez fraîche entre les Eldar (les Elfes) et les Naugrim, bien qu'ils aient tiré grand profit les uns des autres. En ce temps-là rien ne les séparait encore et le Roi des Elfes de l'Est, Thingol, leur fit bon accueil. Plus tard les Naugrim accordèrent leur amitié aux Noldor (les Elfes Profonds, de grands artisans) plus volontiers qu'aux autres Elfes ou Humains, à cause de leur amour et de leur respect pour Aulë, et les joyaux des Noldor étaient pour eux les richesses les plus enviables. Les Nains avaient déjà créé de grandes uvres dans la nuit d'Arda, car dès l'époque de leurs Pères Fondateurs ils étaient merveilleusement habiles à travailler le métal et la pierre. Mais autrefois ils préféraient façonner le fer et le cuivre plutôt que l'or et l'argent.
Melian, la femme du Roi Thingol, avait le don de prévoyance
et elle prévint son époux que la Paix d'Arda ne serait
pas éternelle. Il réfléchit alors à ce qu'il devait
faire pour s'assurer une position sûre et digne de sa royauté si
l'ennemi devait redresser sa tête hideuse, et il demande aide et conseil
auprès des Nains de Belegost. Ils acceptèrent volontiers,
étant encore en ce temps-là pleins d'ardeur pour des tâches
nouvelles, et s'ils demandaient toujours à être payés pour
ce qu'ils faisaient, en plaisir ou en travail, ils s'estimaient pour cette fois
déjà récompensés. La Sage Melian leur enseignait
ce qu'ils désiraient apprendre et le Roi Thingol leur offrait
des perles que Cirdan, le Seigneur Elfe Charpentier, lui apportait, car
on les trouvait nombreuses sur les hauts-fonds qui entourent l'île de
Balar, où il vivait alors. Or les Naugrim n'avaient jamais
rien vu de tel et ils les tenaient en grand prix. Une surtout, grosse comme
un uf de pigeon, dont l'orient rivalisait avec le reflet des étoiles
sur l'écume de la mer : on l'appela Nimphelos, et le chef des
Nains de Belegost l'estimait tout autant qu'un trésor à
elle seule.
Ainsi les Nains, satisfaits de travailler pour Thingol, creusèrent
longtemps pour lui aménager des demeures à leur manière,
profondément enfouies dans la terre. Au bord de l'Esgalduin, la
rivière qui sépare les forêts de Neldoreth et de
Region, une éminence rocheuse s'élevait au milieu des bois,
sa base baignée par les flots. C'est là qu'ils dressèrent
les portes du palais de Thingol, et leur seul accès était
un pont de pierre qui franchissait la rivière. Passé les portes
de larges couloirs menaient à de grandes salles et plus bas à
des chambres creusées dans le roc, si nombreuses et si vastes qu'on appela
ce palais Menegroth, les Mille Cavernes.
Plus tard, après que le construction de Menegroth fut achevée,
les Nains furent inquiets. Ils vinrent au Roi Thingol pour lui dire que
les Valar n'avaient pas complètement extirpé les monstres
du nord, servants de Melkor qui était alors en captivité,
que ceux qui restaient s'étaient longtemps multipliés dans la
nuit et s'avançaient à nouveau de plus en plus loin. "Il
y a des animaux féroces à l'est des montagnes, dirent-ils, et
ceux de votre race qui vivaient là-bas depuis toujours abandonnent les
plaines pour les montagnes."
Alors Thingol
pensa à s'armer, ce dont son peuple n'avait pas encore eu besoin, et
les Nains de Belegost forgèrent pour lui les premières
épées. Ils y étaient fort habiles, quoiqu'aucun d'eux ne
surpassât les artisans de Nogrod, l'autre cité Naugrim,
dont Telchar, le forgeron, était le plus connu (il forgea entre
autres Narsil, la célèbre épée d'Elendil,
brisée par Sauron lors de la Dernière Alliance, magnifique
lame reforgée par la suite pour Aragorn et alors renommée
Anduril, Flamme de l'Ouest). Les Naugrim étaient
une vieille race guerrière, et ils se dressaient violemment contre qui
leur faisait tort, que ce fussent des esclaves de Melkor, des Eldar,
des Humains ou des bêtes sauvages, ou même d'autres Nains, des Naugrim
d'allégeance différente. Les Elfes apprirent très vite
à faire des armes, mais personne ne surpassa les Nains dans l'art de
tremper l'acier, pas même les Noldor, et pour les cottes de mailles,
d'abord inventées par les armuriers de Belegost, ils n'eurent
pas de rivaux.
Quand le peuple
de Thingol fut bien fourni en armes ils repoussèrent les sinistres
créatures et ramenèrent la paix. Les arsenaux de Thingol
restaient garnis de haches, d'épées et de lances, il y avait des
heaumes et de longues cottes de mailles brillantes, car les Nains faisaient
les hauberts de telle sorte qu'ils ne rouillaient pas, ils brillaient toujours
comme s'ils venaient d'être polis. Et Thingol s'en trouva bien
quand le moment fut venu.